Quelle est donc cette curieuse silhouette, impressionnante de taille et qui s’impose à notre regard. Masse sombre revêtue d’un manteau de bruyère. Avec son air un peu broussailleux, nous serions à deux doigts de penser à un monstre des temps anciens, sorti tout droit de la forêt.
C’est bien de la forêt que notre étrange bâtisse a pris forme et vie. Les archéologues parlent d’une construction éphémère, entièrement naturelle de type « bois planté ».
Il y a fort à parier que l’histoire des loges en bruyère (chaumine…) par leurs liens avec l’espace naturel débute aux temps des premières activités humaines.
Aujourd’hui subsistent de rares vestiges. On les rencontre sur un territoire allant de Baugé (49) à la forêt d’Ambillou (37).
Dans les années 1960 beaucoup de fermes possédaient une loge en bruyère.
La construction demandait un savoir-faire et une grande technicité transmis de génération en génération. Le type de loge le plus courant qui nous soit parvenu (Touraine) se caractérise de la manière suivante:
deux versants descendants jusqu’au sol, suivant une pente d’environ 70° avec al’une des extrémité une abside demi-circulaire et à l’autre extrémité l’ouverture coiffée d’un auvent. La charpente est constituée d’une succession de perches écorcées, fichées dans le sol et posées sur une pierre plate. Sur celles-ci seront fixées les limandes (gaulettes) qui recevront les couches successives de bruyère.
La nature des matériaux confère à ce type de construction des qualités remarquables de conservation pour les outils agricoles (en bois) qui y étaient remisés. A l’époque d’une agriculture familiale a dominante polyculture élevage, les usages étaient multiples et la loge y trouvait sa place: stockage de matériels, betteraves, bois, séchoir à tabac, cellier, poulailler…
La profonde transformation de l’agriculture a eu raison de ces « valeureuses » constructions d’un autre monde. C’est un patrimoine fragile qui disparaît sous nos yeux témoins depuis ses débuts de l’activité humaine. Surprenant qu’elles nous soient parvenues à ce jour. Que pourrions-nous inventer aujourd’hui pour prolonger sa vie, pas si éphémère que ça.